Sommaire
Définition
L’article L 211-1 du code de l’environnement donne la définition réglementaire des zones humides :
« on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année »
Ce même article, qui définit les critères d’une « gestion équilibrée de la ressource en eau », stipule que « la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides » est une condition indispensable de cette gestion équilibrée.
En 2008, la réglementation a précisé les critères d’identification et de délimitation des zones humides. Ainsi, conformément à l’arrêté ministériel du 24 juin 2008 modifié par l'arrêté du 1er octobre 2009 et à l’article R211-108 du code de l’environnement, une zone est considérée comme humide si elle présente au moins l’un des critères suivants :
- Les sols sont gorgés d’eau de façon permanente ou temporaire : la liste des types pédologiques correspondant est spécifiée en annexe 1.1 de l’arrêté du 24/06/2008. La classification et la méthodologie décrite dans l’arrêté permet d’établir la présence prolongée d’eau dans les sols, en fonction de leurs caractéristiques morphologiques.
- La végétation, si elle existe, est caractérisée soit par des espèces hygrophiles (voir liste en annexe 2.1 de l’arrêté du 24/06/2008), soit par des habitats caractéristiques des zones humides (voir liste en annexe 2.2).
Un enjeu majeur : enrayer la disparition des zones humides
Au cours du siècle dernier, plus de la moitié des zones humides en Europe et dans le monde a disparu (CEE, 1995).
La France n’est pas épargnée. En septembre 1994, le rapport du préfet Paul BERNARD concernant l’évaluation des politiques publiques en matière de zones humides, mettait en évidence la régression continue des surfaces de zones humides en France, ainsi que les incidences des différentes législations et aides publiques de l’État et des collectivités sur la disparition de ces écosystèmes. Dans le bassin Rhône-Méditerranée près de 11% de l’Espace Humide de Référence est détruit par l’aménagement du territoire, celui-ci contient plus de 90% des zones humides des inventaires.
Les causes de cette régression sont nombreuses : politique structurelle d’après-guerre (remembrement, drainage, rectification des cours d’eau), politique conjoncturelle (indemnité viagère de départ dans les années 1970), effets de la politique agricole communautaire (simplification des agrosystèmes et spécialisation …), urbanisation, grands projets d’aménagements et travaux d’infrastructures, remblaiements, aménagements hydroélectriques, extraction de granulats, etc.
Encore aujourd’hui, en dépit de la prise de conscience du rôle de ces milieux et de la mobilisation pour leur protection, la tendance ne s’est pas inversée et les zones humides restent menacées.
Avertissement : les zones humides ne font pas partie des masses d’eau telles que définies par la directive cadre sur l’eau (DCE 2000/60/CE). Compte tenu de leurs interactions avec les milieux aquatiques, leurs rôles pour la reconquête du bon état des eaux est admis par tous.
Pourquoi préserver les zones humides ?
Parce qu’elles rendent des services indispensables à la collectivité. Ces infrastructures naturelles assurent des fonctions hydrologiques (écrêtement des crues et zones d’expansion des inondations), physiques et biogéochimiques (qualité de la ressource en eau) et biologiques (réservoirs de biodiversité : habitats, espèces, ressources génétiques) qui rendent de nombreux services d’intérêt général à la collectivité (protection contre les crues, alimentation en eau potable et soutien de la production d’eau à usage agricole et industriel, productions agricoles, piscicoles et sylvicoles, aménités…).
En particulier, les zones humides jouent un rôle important en matière de :
1/ Régulation de la ressource en eau
Les zones humides participent à la régulation des régimes hydrologiques. Elles jouent un rôle tampon hydraulique variable selon leur nature et leur contexte géomorphologique en «absorbant» momentanément une partie des excès d’eau de pluie pour les restituer progressivement dans le milieu naturel (cours d’eau à l’aval, recharge des nappes phréatiques). Elles peuvent ainsi limiter l’intensité des pics de crue par écrêtement (jusqu'à leur saturation) et participer au soutien des débits des cours d’eau en période d’étiage (exemple : prairies humides, forêts alluviales, tourbières...). Dans les plaines alluviales fonctionnelles, le champ d’inondation contribue à l’expansion des crues et à la protection des personnes et des biens.
2/ Contribution à la qualité des eaux
En agissant comme des filtres naturels (sols, végétations), les zones humides améliorent la qualité physico-chimique de l’eau et contribuent au bon état écologique des masses d’eau. Elles favorisent le piégeage (filtre physique), et la transformation (cycles biogéochimiques) d’éléments minéraux et organiques comme les matières en suspension, les nitrates ou encore certaines substances toxiques ou métaux lourds.
Elles ne doivent pas pour autant être considérées comme des systèmes d’épuration naturels qui peuvent rendre des services directs aux collectivités pour abattre des résidus de charge polluante. C’est aux infrastructures humides artificielles d’assurer ce rôle en reproduisant ces processus dans un espace confiné et fermé pour traiter des effluents de sortie de station d’épuration ou des rejets d’eau pluviale avant retour dans le milieu naturel.
3/ Réservoir de biodiversité
Les zones humides abritent plus de 30 % des espèces végétales et animales remarquables et menacées en France : plantes hygrophiles, oiseaux (y compris migrateurs), poissons, batraciens et insectes, etc. Elles contiennent aussi de nombreux habitats naturels dont certains sont d’intérêt communautaire.
Les zones humides jouent un rôle de réservoir de biodiversité, offrant aux espèces végétales et animales qui y sont inféodées, les fonctions essentielles à l’exécution de leurs cycles biologiques : alimentation (eau, éléments nutritifs, proies) ; reproduction (diversité des habitats, ressources alimentaires, territoire de ponte…) ; fonction d’abri, de refuge et de repos pour un grand nombre d’espèces animales (amphibiens, oiseaux, poissons, mammifères…). A ce titre elles participent à la trame écologique (cœur de biodiversité, corridor écologique).
4/ Des activités humaines dans les zones humides
Les zones humides sont également le support de nombreuses activités humaines économiques (pisciculture, conchyliculture, saliculture, agriculture…), récréatives (chasse, pêche), culturelle (sensibilisation, éducation à l’environnement) ou de loisirs (promenade, observation des espèces).
Pour en savoir plus - un peu d'étymologie et de toponymie
A notre époque où les cartes de localisation géographique intègrent des repères permettant la détermination précise par satellite, ces termes modelés par le temps et les hommes perdurent et nous apportent une information toujours précieuse pour comprendre nos paysages et la façon dont ils ont existé.
Bourbe (la)
Dans la partie du pays de Charlieu, en Saône et Loire, le nom pourrait provenir du gaulois barva ou du celtique borvo, boue, bourbe, désignant un terrain bourbeux, marécageux. La Bourbre dans l’Isère est quant à elle une vaste zone humide partagée entre vallée et plaine, aujourd’hui doucement asséchée et grignotée par les activités humaines.
Gouille
Etymologie : du germanique gullja qui signifie flaque d'eau, dépression pleine d'eau. Le mot gouille, très répandu dans les massifs montagneux de l’Est de la France, appartient au "dialecte local".
Exemples : Les Grandes Gouilles en Valserine. Nous pouvons relever la forme patoise de Gollie ou Goille.
Léchère
Etymologie : du préroman liska qui signifie la laîche, plante des marais. Les herbes de marais étaient importantes autrefois pour le paysan qui les fauchait et les séchait pour en faire de la litière.
Exemples : Dans le Jura français on trouve presque exclusivement les lieux-dits Les Léchères ou La Léchère tandis qu’en Suisse, il existe plusieurs dérivés comme : Lèches, Léchaire, Léchière, Léchire, Leschère.
Mouille
Etymologie : du latin mollis qui signifie "mou", comme le verbe "mouiller". ès mouillées ou encore un endroit où l'eau affleure. L'utilisation de ce toponyme est très fréquent en Rhône-Alpes et en Franche Comté.
Exemples : Mouille au Sayet, Mouille-Mougnon, La Mouillette, La Mouille de la Vraconnaz (marais du Jura), Mouille Faison. La Mouille et Les Mouilles encore en aval de Morez de part et d'autre de la Bienne. Et ne pas oublier Mouille-Cul près du Russey dans le département du Doubs.
Pallud
Etymologie : du latin palus, paludis, marais, marécage.
Il est retrouvé dans de nombreux lieu-dit romands et rhodaniens jusqu’en Camargue.
Exemples : St Pierre La Pallud, La grande Pallus, lieu-dit au sud de Beaucaire. Même origine pour Pallud, Paludet, Palut, Palluat, Palluy, Palluel, Lapalud, Lapallud, Lapalus, Delapalud...
Sagne
Etymologie : Du celtique sagna ou/et du gaulois sagna qui signifie "terre marécageuse": marais, tourbière, qui a laissé de nombreux lieux-dits dans le Jura, le Massif Central et les Alpes.
Autres formes : Sagnes, Sagnet, Sagnolle, Sagnoux, Sagnier, Sannier, Dessagnes, Dessaignes, Lassagne.
Les patronymes: Seignemartin et Seignemorte signifient "marais de Martin" et "étang mort".
Les marais et tourbières sont effectivement toujours fréquents dans le Jura et le Doubs où le mot "sagne" est encore utilisé comme nom commun pour désigner une zone marécageuse ou humide où ne poussent que des herbes de marais que l'on utilisait autrefois pour faire de la litière.
Exemples : La Sagne, hameau de Ste Croix situé à côté de la "Mouille", La Seigne, maison isolée près des Hôpitaux-Vieux, Les Seignes à la frontière franco-suisse près du lac des Taillères et un autre Les Seignes près de Gilley, toutes les deux dans le Doubs. La Sagne, village neuchâtelois de la Vallée des Ponts, ainsi que Sagnette(s), Seignette(s), Saignette(s), Saignattes, Sagneule, Saigneuse...
D’autres exemples de toponymes
Au Vernay, Verne, Verney, Vernier, Vernette : l'origine de ces lieux-dits est assez transparente, endroits où poussent les vernes, nom local de l'aulne.
Les différents noms de l'aulne : Vergnes, Vern, Verne, Gwern, Aliso, etc.
Et donc les patronymes dérivés de verno : Vergnes, Bergnes, Verne, Vernhe, Lavergnes, Delavergne...
Et de nombreux autres toponymes peuvent être relevés comme :
- Brax : braco (terre humide et fertile)
- Nuits-Saint-Georges : noa (vallon encaissé dont le fond est un étang) ou naud (terre humide) ; les deux mots ont la même racine.
- St Jean de Losne : Les lônes (Losnes) sont, dans le bassin du Rhône et de la Saône, des bras morts de la rivière.
- Saulon-la-Chapelle : sala (lieu marécageux)
- Saulx : salix (saule)
- Venarey-les-Laumes : Laumes (Les) ; lima (limon, boue) ou lima (roseaux)