Seules les Alpes du Nord et la Franche-Comté ont pu bénéficier de précipitations suffisantes pour conserver une humidité des sols au-dessus des normales de saison. Le reste du bassin est en déficit pluviométrique chronique depuis l’été 2022 et les sols sont anormalement secs sur tout le pourtour méditerranéen et la basse vallée du Rhône.
Les retenues des Pyrénées ont des niveaux de remplissage trop bas pour la saison. Les barrages des Alpes du Sud, qui ont dû adapter leur exploitation pour garder un niveau acceptable, pourraient ne pas atteindre leurs cotes touristiques en juillet. Les retenues des Alpes du Nord, de Bourgogne-Franche-Comté et du Massif Central conservent un niveau correct.
Les cours d’eau de Bourgogne-Franche-Comté et des Alpes du Nord arrivent à se maintenir bien au-dessus des niveaux d’alerte, sans toutefois dépasser la moyenne des débits. Dans toute la partie sud du bassin, les débits des cours d’eau continuent de baisser, avec déjà de forts risques d’assecs sur les plaines côtières dans le mois à venir.
Quelques nappes de Franche-Comté et des Alpes du Nord ont vu leur niveau s’élever légèrement mais les nappes inertielles restent à des niveaux bas. La baisse est généralisée du Val de Saône à l’embouchure du Rhône, avec des niveaux déjà bas à très bas en sortie d’étiage hivernal. La majorité des nappes du pourtour méditerranéen sont à des niveaux bas à très bas, voire historiquement bas dans le Roussillon.
Sommaire
1. Point météorologique: précipitations et manteau neigeux
Les pluies et averses ont touché la partie nord du bassin de façon très inégale ce mois-ci : le cumul s’échelonne de 15,6 mm à Tricastin (26) à 232,7 mm à Saint-Pierre-d’Entremont (38). Les Vosges et la Franche-Comté ont été globalement plus arrosés, la pluviométrie est le plus souvent dans la norme. Certains secteurs sont néanmoins en déficit de 10 à 25% (en Bourgogne), d'autres en excès de 15 à 45% (massif du Jura, Ballon de Servance).
En Rhône-Alpes, seuls certains reliefs ont un cumul de pluie non négligeable, avec un excédent généralement de 10 à 50 %, jusqu'à 100 % en Savoie (199 % de la normale à Bourg-Saint-Maurice). Le déficit atteint 15 à 40 %, jusqu'à 50% localement en Hautes-Alpes. Il est assez sévère en Drôme/Ardèche avec un rapport à la normale de 20 à 40 %.
Le mois d’avril est resté très sec, avec des précipitations largement déficitaires de 75 à 90 % sur toutes les plaines littorales, la vallée du Rhône à partir de Valence et le piémont cévenol. Dans l’arrière-pays, le déficit est de 25 à 75 %, les cumuls étant proches de la normale à l’est des Pyrénées-Orientales. Il est tombé moins de 10 mm sur une large partie des plaines littorales ou les premiers massifs, 10 à 30 mm en général en plaine, et 50 à 75 mm au sud-ouest de l’Aude, dans les Pyrénées et les Alpes du Sud.
Depuis le 1er septembre 2022, le cumul de précipitations agrégé sur le nord du bassin est de 734.5 mm (soit 90 % de la normale). Seuls les deux Savoie et le Ballon de Servance sont excédentaires avec un rapport à la normale entre 110 et 130 %. Le reste du bassin est globalement déficitaire, mais quelques secteurs ont cependant des cumuls qui se rapprochent de la norme (notamment les massifs, ainsi que la basse vallée du Rhône, et le nord du bassin) ; l’Ardèche a un déficit plus élevé avec 71 % de la normale.
Dans le sud du bassin, la situation depuis septembre 2022 est très sèche, hormis sur le nord Vaucluse et les Hautes-Alpes (déficit de 0 à 25 %). On observe 50 à 75 % de déficit sur les plaines du Languedoc et du Roussillon ainsi que sur la Côte d’Azur, et ailleurs de 25 à 50 %.
Depuis le mois de septembre 2022, le cumul des pluies efficaces agrégé sur la moitié nord du bassin est de 490.6 mm, soit 81.8 % de la normale. C'est le 16ème cumul le plus faible depuis le début des mesures en 1959. Le couloir Rhône-Saône est en déficit avec un rapport à la normale de 60 à 80 %, plus sévèrement sur les Monts du Vivarais, avec seulement 35 à 50 %, et 70 à 90 % sur une moitié nord. Les départements de la Drôme et de l'Ardèche connaissent un déficit de pluie très marqué et devenant préoccupant pour la sécheresse des sols (-46 à -61% par rapport à la normale).
En revanche, les Alpes et le sud des Vosges ont un excès de 10 à 30 %.
Au sud, le bilan hydrique est négatif partout en plaine, et particulièrement dans la basse vallée du Rhône, dans le piémont cévenol et le littoral du Var avec de -25 à -50 mm. Il est positif de 0 à 75 mm sur le Pays de Sault, le Vallespir, la Montagne Noire, la Vallée de l’Ubaye et les Ecrins. Le bilan hydrique est déficitaire de 50 à 75 % des Pyrénées-Orientales à l’ouest de l’Hérault, dans le centre Var et le haut-pays niçois. Il est de 0 à 50 % ailleurs, sauf au nord du Vaucluse qui reste légèrement excédentaire.
Le mois d’avril assez frais et perturbé a permis de conserver un manteau neigeux correct en altitude dans le nord des Alpes. L’enneigement est même légèrement excédentaire sur l’ensemble des massifs au-dessus de 2 500m. En dessous de 2000m, l’enneigement reste déficitaire dans les Bauges, la Chartreuse et le Vercors où seuls les plus hauts sommets conservent de la neige. Le temps frais a tout de même retardé la fonte printanière aux plus basses altitudes.
Au sud, les précipitations ont été trop faibles pour améliorer l’enneigement. Il reste donc déficitaire dans le sud des Alpes du Sud. Les secteurs frontaliers ont encore un enneigement normal, notamment grâce aux fortes précipitations de fin janvier. La fonte est très avancée sur la partie méridionale du massif (Alpes-Maritimes/Alpes de Haute-Provence), avec des paysages déjà dignes d'une mi-mai, voire d'une fin-mai.
Dans les Pyrénées, la faiblesse du manteau neigeux est estimée à -75% par rapport à la médiane 1991/2020. Les hauteurs de neige sont très déficitaires. L’enneigement a avoisiné les records bas début janvier et mi-février puis les a atteints durant tout le mois d’avril. Au 1er mai, l’enneigement sur les Pyrénées est comparable à celui d’un début juin et ne laisse aucune perspective de réalimentation importante des nappes, cours d’eau et barrages.
2. Situation des milieux aquatiques et de leurs habitats
Au vu de l’étiage particulièrement précoce cette année, l’OFB a déjà mené deux campagnes ONDE complémentaires dans la plupart des départements du bassin.
En Bourgogne-Franche-Comté et dans les Alpes du Nord, les écoulements sont jugés acceptables. Dans les départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône, la grande majorité des stations sont en écoulement visible acceptable, au sens biologique du terme, mais les débits restent faibles.
Les derniers épisodes neigeux/pluvieux ont alimenté des écoulements conformes à la normale sur les cours d’eau du nord des Hautes-Alpes. Cependant, à l’amont de Serre-Ponçon et sur les Alpes-de-Haute-Provence, les débits observés sont en deçà de ceux attendus en cette période.
Les campagnes menées dans la Drôme et les Bouches-du-Rhône ont permis d’observer des écoulements globalement faibles pour la saison, avec déjà des situations d'assec. Dans le Var et les Pyrénées-Occidentales, la situation est très dégradée, avec des débits faibles et des assecs. Dans le Vaucluse, le colmatage des fonds par des développements d’algues brunes, signe d’eutrophisation, indique un débit trop faible pour permettre la bonne fonctionnalité écologique.
3. Situation des retenues d’eau
Les retenues de Bourgogne-Franche-Comté et des Alpes du Nord ont bénéficié d’une bonne pluviométrie et se maintiennent à un niveau conforme aux normales de saison.
Le manteau neigeux s’est maintenu sur Serre-Ponçon (tout en restant déficitaire pour la saison) et a légèrement baissé à Castillon. Le cumul pluviométrique a été déficitaire : 69 % de la normale à Serre-Ponçon, 54 % de la normale à Castillon et 60 % de la normale à Cadarache. Début avril, les débits entrants aux retenues étaient proches du quantile 10 des historiques à Serre-Ponçon (de l’ordre de 45 m3/s) et proches des minima historiques de saison à Castillon (de l’ordre de 6 m3/s). Fin avril, sous l’effet du radoucissement des températures et des précipitations, les débits entrants à Serre-Ponçon et Castillon ont réagi, ils sont actuellement autour de 150 m3/s à Serre-Ponçon et 15 m3/s à Castillon.
Le déficit des prévisions d'apports en eau d’ici fin juin s’est accentué (79% de la normale à Serre-Ponçon et 53% à Castillon). Le déficit est encore plus marqué sur les bassins en aval.
Pour ce qui concerne la retenue de Sainte-Croix, le déficit de 2022 n’a pu être compensé. La priorité est donnée au remplissage tout en assurant les prélèvements en eau et le débit réservé. En cas de maintien de conditions climatiques déficitaires d’ici au 1er juillet et de besoins en eau en conséquence soutenus, il existe désormais un risque de non atteinte des cotes touristiques.
Le faible remplissage de la retenue de Vinça pourrait compliquer l’ecopage d’eau par les canadairs, dans un contexte marqué par une augmentation très forte du risque d’incendie.
Dans l’Aude, les niveaux des principaux barrages demeurent très bas, exception faite des ouvrages VNF. Les volumes de remplissage des lacs de Matemale et Puyvalador sont supérieurs à 2022 sur la même période, du fait d’une forte réduction des turbinages liée à un hiver plutôt doux en termes de températures. La situation n’est toutefois pas forcément plus favorable, dans la mesure où l’essentiel de la fonte des neiges a déjà eu lieu et qu’il ne faut pas attendre d’apport supplémentaire significatif en dehors des éventuels épisodes de pluie qui pourraient survenir.
4. Hydrologie : cours d’eau, hydraulicité, fleuve Rhône
En Bourgogne-Franche-Comté, les débits des rivières sont majoritairement en baisse, sous l’effet notamment de la végétation qui se développe. Mais, avec un point de départ plutôt haut et des précipitations régulières, le mouvement est lent et ne produit aucun nouveau franchissement de seuil de vigilance. Dans les Alpes, la situation tend à l'amélioration mais les débits restent faibles pour la saison. Les débits sont inférieurs aux normales dans le couloir Rhône-Saône et très inférieurs à partir de Valence.
En PACA, les débits sont parmi les plus faibles enregistrés sur la majorité des stations hydrométriques depuis leur mise en service. Ils sont à des niveaux équivalents, voir inférieurs, aux débits habituellement mesurés pendant la saison estivale. Les plus basses eaux du mois d’avril sont qualifiées de sèches et ont une période de retour élevée (allant jusqu’à 50 ans) confirmant cette situation exceptionnelle. Seuls les bassins versants alpins de l’amont de la retenue de Serre-Ponçon ont une période de retour proche de la normale. La Nartuby, à Trans-sur-Nartuby, a été à sec quelques jours en avril 2023. Depuis la création de la station, la Nartuby n’a été à sec qu’une seule fois, en août 1990.
Les cours d'eau occitans conservent des débits faibles à très faibles, ce qui laisse présager des assecs précoces. Les valeurs des VCN3 des cours d’eau côtiers atteignent et dépassent l’occurrence centennale.
Fleuve Rhône : L'hydraulicité est en dessous de la moyenne annuelle sur les cinq stations du Rhône et celle de la Saône. L'hydraulicité est plus faible à l'aval de Lyon et jusqu'à la mer. La station de Beaucaire se positionne ainsi au 22ème rang des débits mensuels moyens d'avril les plus bas sur les 104 dernières années.
5. Humidité des sols
En Bourgogne-Franche-Comté, l’indice d’humidité des sols est remonté à 0,82, pour une médiane de 0,76. Les sols sont plus humides à l’est ainsi que sur le nord, avec localement un excès d’humidité de 10 à 20 %. En Rhône-Alpes, la situation est contrastée, avec des sols relativement humides sur les premiers reliefs des Alpes et très humides dans les deux Savoie, et des secteurs plus secs en Drôme/Ardèche ainsi que dans la Loire, avec un déficit local de 30 à 40 %.
En PACA, seules les Hautes-Alpes et la partie est des Alpes-de-Haute-Provence ont conservé une bonne humidité. Le reste de la région est en déficit de 20 à 60 %. Au 1er mai, l’indice affiche des valeurs proches des records bas sur les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, le Var et les Alpes-Maritimes.
En Occitanie, les sols sont très déficitaires, à l’exception de la Lozère et de la Montagne Noire. Ils sont particulièrement secs sur la plaine du Roussillon et l’est Audois, 60 à 80 % de déficit, et plus de 90 % de déficit de la vallée de la Têt au littoral des Pyrénées-Orientales.
6. Situation des nappes d'eaux souterraines
Les précipitations des deux derniers mois ont permis une bonne reprise des nappes de Franche-Comté, avec des niveaux autour de la moyenne ou modérément hauts. Mais les niveaux des nappes inertielles restent bas à très bas en Bourgogne et jusqu’au Bas-Dauphiné, très en dessous de ce qu’ils étaient au printemps 2022.
Les nappes du couloir Rhône-Saône affichent des niveaux bas à très bas. La plaine de Valence, qui se maintenait proche de la moyenne, est désormais en baisse. Des minima historiques pour la période sont observés en plaine de Valloire et Vallées de Vienne, ainsi que dans la Drôme et le Grésivaudan.
Dans le sud du bassin, les pluies infiltrées en profondeur ont été insuffisantes voire inexistantes et les niveaux sont généralement en baisse. Seules les nappes de la basse Durance et de la plaine de la Crau, soumises à une ré-infiltration des eaux de surface, et les nappes des vallées alpines, alimentées par des pluies locales ou par la fonte des neige, sont stables ou en hausse. Les nappes alluviales côtières de PACA enregistrent des niveaux bas à très bas, voire historiquement bas.
En Occitanie, les nappes de l’Aude, du Gard et de l’Hérault sont en baisse généralisée, comprises entre un niveau modérément bas à très bas. Les nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon connaissent une situation inédite, avec des niveaux bas sur la nappe profonde du Pliocène à très bas sur la nappe superficielle. Des points de la nappe superficielle affichent des niveaux historiquement bas et le risque d’intrusion saline est fort.
7. Mesures d'anticipation et de restriction des usages de l'eau
Au 1er mai 2023, 17 départements et 5 zones interdépartementales ont déjà adopté des mesures de restrictions de l'usage de l'eau :
Vigilance : la Saône-et-Loire, le Rhône, l’ACi Est Lyonnais et la Savoie.
Alerte : l'Axe Saône, la Haute-Saône, la Drôme, l'Isère, l'Ardèche, l'ACI Bièvre-Liers-Valloire, les Alpes de Haute-Provence, l'ACi du Lez provençal-Lauzon, de l'AEygues et de l'Ouvèze Provençale, l’Hérault et le Vaucluse.
Alerte renforcée : l'Ain, l’ACi Galaure Drôme des Collines, les Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Orientales et l’Aude.
Crise : les Bouches-du-Rhône, le Gard et le Var.
L'Ain, la Savoie et les Pyrénées-Orientales sont en restriction depuis 2022.
Restrictions spécifiques aux eaux superficielles |
Restrictions spécifiques aux eaux souterraines |
Restrictions spécifiques aux eaux superficielles au 1er mai 2023 |
Restrictions spécifiques aux eaux souterraines au 1er mai 2023 |