Juillet-Août 2022 : Basses eaux en juillet soulagées par des orages locaux à la mi-août

La situation des précipitations cumulées globalement déficitaire se poursuit. Les vagues de chaleur successives des mois de juillet et début août ont contribué à la chute spectaculaire et continue des débits, à la dégradation de la qualité des milieux aquatiques et à l'assèchement prolongé des sols. Enfin, elles ont accéléré la tendance baissière des nappes et retenues d'eau de l'ensemble du bassin. Un étiage sévère et précoce a donc été observé dès la première décade de juillet sur une grande partie du bassin. Pour la première fois, des situations de sécheresse sévère ont été observées dans le nord du bassin, sur la région du Jura notamment.

Depuis la mi-août (semaine 33), les passages pluvio-orageux se succèdent et apportent localement de bonnes précipitations permettant un regain sensible de l'hydraulicité sur certains cours d'eau de l'est de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des Alpes du Sud et contribuent à une stabilisation du niveau des retenues sur les mêmes secteurs. Cependant les sols desséchés ne permettent pas une infiltration en profondeur et ces pluies ne permettent pas d'alimenter les nappes.

La situation s'avère préoccupante pour l'ensemble des aquifères de PACA, du Gard et du couloir rhodanien (Bas-Dauphiné, Provence et Côté d'Azur) dont les niveaux sont en majorité bas, voire très bas, et suivent une tendance baissière.

Fin août 2022, la situation hydrologique des petits cours d'eau de tête de l'ensemble du bassin est critique avec 1,2 fois plus d'assecs et de ruptures d'écoulement observés qu'en 2019-2020 (années sèches). Une telle situation n'a jamais été rencontrée depuis 2012, première année des suivis ONDE. Les prévisions indiquent que plusieurs passages pluvieux sont attendus sur l'ensemble du bassin.

L'intensité des pluies à venir étant difficilement prévisible et leur efficacité limité du fait de la sécheresse des sols, ils convient de conserver une gestion prudente des ressources en eau pour anticiper la saison hivernale à venir. En effet, de possibles impacts pourraient se faire sentir sur l'approvisionnement en eau et les secteurs économiques (industrie et production d'énergie).

1. Pluviométrie

Les températures sont restées supérieures aux valeurs de saison sur tout le mois de juillet et ce jusque mi-août. Ainsi plusieurs vagues de chaleur intenses ont touché le pays en juillet et une troisième du 31 juillet au 13 août. Depuis la mi-août (semaine 33), des passages pluvio-orageux se succèdent apportant localement de fortes précipitations.

Sur le mois de juillet et jusqu'à la mi-août, les précipitations ont généralement été peu fréquentes avec mois de dix jours de pluie sur la quasi-totalité du bassin. A partir de la mi-août, la situation est très hétérogène avec des orages parfois accompagnés de pluies diluviennes provoquant des inondations. Elles ont été excédentaires sur un petit quart sud-est mais généralement déficitaires sur le nord du bassin (secteurs de la Saône-et-Loire jusqu'au Territoire de Belfort). Les cumuls mensuels ont souvent atteint 1,5 fois la normale des Cévennes à l'est de l'Hérault et dans le Gard, ainsi que sur une grande partie de la région PACA. Très localement dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var, elles ont atteint entre 3 et 5 fois les valeurs normales.

Les prévisions météorologiques indiquent que des passages pluvieux sont attendus sur les deux prochaines semaines. Après des valeurs assez élevées jusqu'au 12 août environ, les températures reviennent à la baisse mais restent globalement supérieures aux valeurs de saisons, sans excès.

Cumul de précipitations efficaces (Août 2022)

Comparaison des cumuls de précipitations efficaces
(du 01/09/2021 au 01/09/2022)

Rapport à la normal 1981-2010 du cumul des précipitations efficaces de septembre 2021 à août 2022

 

2. Débits des cours d'eau

Le déficit de précipitations enregistré sur les mois de mai et de juin s'est poursuivi sur le mois de juillet et la première moitié du mois d'août. Depuis la mi-août, l'ensemble du bassin a vu le passage de plusieurs perturbations orageuses qui ont localement apporté des précipitations conséquentes permettant de créer un palier dans la chute d'hydraulicité des cours d'eau. Certains cours d'eau ont même vu leur débit remonter de manière durable sur les régions d'Auvergne-Rhône-Alpes (07, 26, 38, 42), de Bourgogne-Franche-Comté (21, 25, 70, 71) et dans les Alpes du Sud (04, 05). Du fait notamment du fort effet de ruissellement dû à la sécheresse des sols, cette amélioration de l'hydrologie des cours d'eau reste cependant temporaire sur la majorité des cours d'eau de PACA (06, 13, 83, 84) et d'Occitanie (30, 34, 48) qui reprennent leur tendance baissière très rapidement après les épisodes orageux. Au 1er septembre, la majorité des cours d'eau du bassin enregistre une hydraulicité très basse et inférieure à l'hydraulicité moyenne.

Sur les mois de juillet et août, le constat de ruptures d'écoulement et la multiplication des assecs s'est confirmé sur de nombreuses têtes de bassin des cours d'eau, en particulier sur les fleuves côtiers azuréens, le Gard, les départements de l'Ain, de l'Isère et de la Drôme, mais également plus au nord sur les départements du Jura et du Doubs dont la grande majorité des cours d'eau enregistre des débits en dessous de la décennale sèche.

Sur le Rhône, les hydraulicité des mois de juillet et d'août 2022 se situent très en-dessous de la moyenne pour les stations de Bognes, de Ternay, de Valence et de Beaucaire. Au 1er septembre, l'hydraulicité est particulièrement faible à l'aval de Lyon jusqu'à la mer avec un coefficient d'hydraulicité de seulement 0,48 en août au niveau de la station de Beaucaire, hydraulicité la plus faible enregistrée en août depuis 1920. Le fort déficit pluviométrique depuis le printemps et la quasi-absence de pluie en juillet et en août expliquent ces faibles valeurs d'hydraulicité. Au 13 septembre avec les pluies cumulées sur le bassin sur ces deux dernières semaines, l'hydraulicité du Rhône est à la hausse. Elle est remontée au-dessus de 760 m3/s à la station de Beaucaire.

3. Niveau des nappes souterraines

En juillet et août, la vidange se poursuit et l'ensemble des nappes observent des niveaux en baisse continuelle. Ce constat est habituel en été. Les pluies orageuses importantes depuis la mi-août ont simplement permis d'humidifier sensiblement les sols et bénéficier à la végétation, mais elles ne se sont pas infiltrées en profondeurs vers les nappes. La situation est plus préoccupante pour l'ensemble des aquifères de PACA, du Gard et du couloir rhodanien (Bas-Dauphiné, Provence et Côte d'Azur) dans les niveaux sont en majorité bas, à très bas et suivent une tendance baissière.

4. Remplissage des retenues d'eau

Au 1er septembre, les niveaux des retenues d'eau dans le bassin restent bas (65 % de remplissage sur l'ensemble des retenues de la région AuRA) malgré le fait qu'ils soient légèrement remontés suite aux précipitations des deux premières semaines de septembre. Ainsi, le lac de Saint-Point, important lac naturel traversé par le Doubs en Bourgogne-Franche-Comté, est à 60 % de remplissage. Au 13 septembre, l'ensemble des retenues du bassin fournit le débit réservé pour le maintien à l'étiage des milieux, mais la situation est préoccupante sur les retenues d'Occitanie (Chassezac, Sénéchas) où les retenues peinent à maintenir ce débit réservé depuis la fin août. Les niveaux des retenues étant faibles et la période d'étiage n'était pas terminée, il convient de rester sur un modèle de gestion prudente car la tendance baissière pourrait reprendre rapidement malgré la diminution de la production hydroélectrique destinée à économiser le potentiel de production pour la période hivernale.

5. Humidité des sols

La sécheresse des sols s'est accentuée durant le mois de juillet sous l'effet de la sécheresse et des vagues de chaleurs successives. Ainsi, l'ensemble du bassin était déficitaire en Août.

Au 1er septembre, la majeure partie du bassin voit l'indice d'humidité des sols bien en-dessous de la normale : entre -30 et -60 %, voire -70 à-80 % localement sur le sud de la vallée du Rhône, sur les monts entre Loire et Rhône et en Saône-et-Loire. Cependant, le sud-est des Hautes-Alpes et le nord de la Drôme ont un indice dans la moyenne, voire un léger excédent de 10 % dans la Drôme.

Dans le Jura, l'indice est au plus bas depuis la mi-août (record sur toute la période).

6. Situation des milieux aquatiques et de leurs habitats

Tout comme au mois de juin 2022, le mois d'août 2022 est le 2ème mois d'août le plus chaud derrière 2003. Après un mois de juillet extrêmement déficitaire en pluie (84 % sur la quasi-totalité de la France), le mois d'août 2022 est resté déficitaire sur le bassin Rhône-Méditerranée. Les apports pluvieux enregistrés sur la deuxième moitié d'août ne permettent pas un retour à des conditions acceptables pour le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Ces conditions ne sont pas favorables aux écoulements des petits cours d'eau en tête de bassin versant qui continuent de se dégrader sur l'ensemble du pays. En effet, 40 % des cours d'eau observés à l'échelle du bassin sont en assec, voire jusqu'à 50 % sur les départements de la Drôme, de l'Isère et de l'Ain. Les indices ONDE sont passés en-dessous des indices 4 (faible indice représentant un mauvais écoulement des cours d'eau) courant juillet sur les départements de l'Ain, de l'Isère, de la Drôme et du Vaucluse. De plus, les milieux du nord du bassin (département 25, 39, 70) ont été fortement impactés ce qui représente une situation inédite. Les orages intervenus majoritairement durant la deuxième quinzaine d'août ont impacté favorablement mais très temporairement l'état des écoulements des cours d'eau. Malgré cette situation conjoncturellement favorable, les indices ONDE départementaux restent, à de rares exceptions près, à des niveaux historiquement bas, et la situation observée fin août est comparable à celle observée fin juillet. En l'absence de précipitations significatives et d'une baisse des températures, il est donc probable que la situation des écoulements au mois de septembre se dégrade à un point jamais observé jusqu'alors sur le bassin depuis le début des observations du réseau.

A la fin du mois d'août, des mortalités piscicoles ont été rapportées sur l'ensemble des départements Rhônalpins et de PACA, ainsi que sur les départements du Jura, du Doubs et de l'Hérault. Malgré les efforts de pêche de sauvegarde mis en place localement par les fédérations de pêche il est à craindre des difficultés pour le repeuplement des têtes de bassin des petits cours d'eau.

Jusqu'au retour des précipitations et/ou la fin de la saison d'irrigations, une extrême vigilance reste de mise quant à la protection de la ressource et des peuplements aquatiques. Les efforts mis en oeuvre depuis la fin du printemps pour encadrer les usagers de l'eau doivent se maintenir, voire s'amplifier si nécessaire.

Sur le fleuve Rhône une pré-alerte a été déclenchée par deux fois courant août sur les remontées des eaux salées au-delà du seuil de Terrin (débit du Rhône aval plus faible que la normale, mistral et grandes marées). Le seuil alerte n'a pas été franchi au 13 septembre.

 

7. Limitation des usages au 13 septembre 2022

Au 13 septembre, vingt-et-un départements ont mis en oeuvre des mesures d'anticipation aux restrictions des usages de l'eau par la révision des arrêtés cadre interdépartementaux (ACi) et départementaux (ACd) :

  • 6 ACi sur 7 sont signés : la consultation de l'ACi Siagne (06-83) est terminée. La signature est suspendue à celle de l'arrêté cadre des Alpes-Maritimes et des échanges sur les résultats d'étude en cours ; 
  • 21 sur 27 ACd sont révisés et signés : les 6 restants sont soit en cours ou en fin de consultation (06, 48) soit en cours d'élaboration ou de révision (30, 34, 42, 66);
  • Au 13 septembre, face à la situation hydrologique constatée et aux prévisions météorologiques sèches et chauds qui persistent jusqu'à début septembre, l'ensemble des 27 préfets de département du bassin ont été amenés à maintenir des mesures de restriction.
  • Suite aux précipitations des semaines 33 à 35, les départements des Alpes-de-Haute-Provence (04) et des Pyrénées-Orientales (66) ont assoupli les mesures de restrictions "d'Alerte renforcée" à "Alerte" sur un bassin versant. Par anticipation, les départements du Gard (30), de la Lozère (48) et de la Loire (42) prévoient l'assouplissement des mesures de restriction avec le passage de bassins versant du seuil de "Crise" à "Alerte renforcée" ou "d'Alerte renforcée" à "Alerte" dans les prochains jours;
  • La situation hydrologique reste à surveiller sur le nord du bassin avec 3 départements qui sont toujours entièrement en crise (25, 39, 70).

Site PROPLUVIA, les restrictions d'eau

 

Restrictions spécifiques aux eaux superficielles
(au 13/09/2022)
Restrictions spécifiques aux eaux souterraines
(au 13/09/2022)
Légende :

 

Publié le 20/10/2022