Les terrains carbonatés se sont formés au fond des océans depuis l'ère précambrienne, qui s'est terminée il y a 600 millions d'années environ, jusqu'à l'ère tertiaire qui s'est achevée depuis 1 million d'années. A l'origine, ils sont donc disposés en couches horizontales plus ou moins épaisses, généralement séparées par des formations marneuses. A l'époque actuelle, ils correspondent le plus souvent à de grands plateaux subhorizontaux en alternance avec des zones plissées qui donnent une configuration typique à de nombreux paysages.
Les formations géologiques calcaires
Les formations carbonatées du bassin Rhône-Méditerranée concernent, à l’affleurement, des étendues importantes (environ 40 % du territoire). Elles constituent souvent des aquifères, dont beaucoup présentent des caractères karstiques. Le karst du bassin Rhône-Méditerranée concerne les formations géologiques suivantes :
1) des bandes de calcaires et de dolomies du Paléozoïque (Pyrénées, Corbières, Montagne Noire et Cévennes),
2) les calcaires du Trias (ensemble auréolant les roches primaires vosgiennes, Var)
3) les calcaires et dolomies du Lias, du Jurassique et du Crétacé inférieur :
- les plateaux septentrionaux bourguignons et de Haute-Saône, axés sur le seuil de Bourgogne. Les karsts bourguignons sont compartimentés par des failles et fournissent des débits très variables
- les massifs jurassiens plissés. L’existence de nombreuses résurgences (Loue, Lison) atteste d’une intense activité karstique de profondeur
- les Préalpes du Nord (Chablais, Bornes, Aravis, Bauges, Chartreuse) et les Préalpes du Sud (Vercors, Royans, Dévoluy), où l’on rencontre des sources au débit parfois important (plusieurs m3/s), mais souvent très variable
- en Provence, les régions karstiques sont très nombreuses mais présentent un caractère plus morcelé que dans les deux régions précédentes : montagne de Sainte Victoire, massif de la Sainte Baume, montagne du Cheiron, massif du Beausset et des Calanques. Le Plan de Canjuers et les plateaux de Vaucluse, sont les deux plateaux de plus grande dimension de la région drainés tous deux par des sources de fort débit (Fontaine-L’Evêque et Fontaine de Vaucluse)
- les plateaux ardéchois composés de grands ensembles calcaires entrecoupés de canyons (Ardèche, Ibie, Chassezac)
- le Languedoc méditerranéen, adossé sur le versant sud-oriental du Massif Central, en rive droite du Rhône, doit une grande part de son originalité à ses grands plateaux calcaires et dolomitiques très karstiques des Garrigues et des Grands Causses (Larzac et Blandas-Montdardier). Les cavités souterraines y sont très nombreuses et peuvent abriter des circulations libres ou noyées avec des sources puissantes parfois captées pour l’alimentation en eau potable (ex. de la source du Lez).
4) les calcaires du Crétacé supérieur et du Tertiaire (Minervois, Fenouillèdes, Conflent, Corbières occidentales)
Le karst en Rhône-Méditerranée
Voir également
Guide technique n° 3 : Connaissance des ressources en eaux souterraines dans les régions karstiques
(Bassin Rhône-Méditerranée - juin 1999)
Les régions très karstifiées se sont surtout développées dans le sud de la France, en dessous d'une ligne Bordeaux-Dijon. Elles se disposent en bordure des massifs cristallins, tout autour du Massif Central, au pied des Vosges, des Maures et de l'Estérel, et en avant des deux grandes chaînes alpine et pyrénéenne. Elles occupent environ 30% du territoire du bassin Rhône Méditérranée Corse et sont réparties de façon assez homogène dans les différentes régions.
Le Jura
Au nord, le Jura, par son individualité et son étendue, est l'une des régions karstiques les plus caractéristiques de France. Les plateaux sont entaillés de vallées très encaissées et pittoresques au fond desquelles coulent les rivières (Doubs, Loue, Lison, Dessoubre, …). Comme dans tous les pays calcaires, les grottes et les gouffres y sont nombreux.
Le Jura sert de référence pour la description de nombreux phénomènes géologiques et géomorphologiques. Les sédiments qui le constituent ont servi à définir une période géologique de l'ère secondaire (le Jurassique). Il fut l'un des terrains d'élection des spéléologues et il a bénéficié de nombreuses études sur les circulations souterraines.
Le Languedoc mediterranéen
Plus au sud, en rive droite du Rhône, adossé sur le versant Sud et Oriental du Massif Central, le Languedoc méditerranéen doit une grande part de son originalité à ses plateaux calcaires des Garrigues et des Causses. Ces derniers présentent toutes les caractéristiques, tant superficielles que souterraines, du modelé karstique décrit ci-dessus. Les fractures des roches calcaires, agrandies par dissolution, donnent naissance à de nombreux lapiaz, tels ceux du cirque de Mourèze au sud du lac de Salagou dans l'Hérault ou du bois de Païolive, près des Vans, au sud de l'Ardèche. Sur les plateaux calcaires, la dissolution peut également se concentrer en certaines zones et donner lieu à des dépressions qui, remplies de terres argileuses, constituent les dolines. Dans certains secteurs comme sur le Causse de Blandas au sud ouest du Vigan (Gard), la multiplication du phénomène entraîne la constitution de "champs" de dolines. Les cavités souterraines sont elles mêmes nombreuses.
En sous sol, les cavités reçoivent par percolation verticale l'eau des précipitations et peuvent abriter des nappes ou des rivières souterraines dont les sources sont souvent captées pour l'alimentation en eau potable. Ainsi la source du Lez, en sortie des Garrigues occidentales alimente de façon quasi exclusive la ville de Montpellier avec un débit annuel de prélèvement de plus de 40 millions de m3. De même, la source de la Fontaine d'Eure est actuellement utilisée pour l'alimentation en eau de la ville d'Uzès dans le Gard. Elle était déjà captée par les Romains qui l'acheminaient jusqu'à Nîmes par un aqueduc dont le Pont du Gard constitue l'ouvrage d'art le plus impressionnant.
La Provence
En Provence, les régions karstiques sont très nombreuses mais présentent un caractère plus morcelé que dans les deux régions précédentes. Les massifs alpins et pyrénéens, dans leur surrection, ont en effet provoqué d'intenses perturbations dans la continuité des couches. Le paysage présente un relief fréquemment dissymétrique et les compartiments relevés se terminent par des falaises abruptes. La montagne Sainte Victoire, à l'est d'Aix-en-Provence, immortalisée par Cézanne, est formée d'une succession de plateaux qui s'élèvent doucement depuis la Durance pour se terminer en une belle falaise dominant la plaine de l'Arc. En contrepoint, le massif de la Sainte Baume, dont le versant sud monte en pente douce depuis le bassin de Cuges-les-Pins, vers le nord avant de former un net escarpement au dessus de la plaine.
Le Plan de Canjuers et le plateau de Vaucluse sont les deux plateaux de grandes dimensions de la région. Le premier, à l'est, de forme rectangulaire, s'étend sur 100 km de longueur et est drainé principalement au nord par le Verdon (sources de Fontaine L’Evêque, aujourd’hui noyée dans la retenue du lac de Ste Croix). Plus à l'ouest, le plateau de Vaucluse, de forme triangulaire, en continuité avec le plateau d'Albion, présente toutes les caractéristiques d'un causse avec ses gouffres et avens. Les eaux de pluie, absorbées sans difficultés sur 1200 km2 d’impluvium, rejoignent un réseau souterrain noyé dont l'exutoire principal est la Fontaine de Vaucluse, l'une des sources les plus puissantes du monde.
En bordure ou à l’arrière du littoral il faut citer également :
- à l’ouest les karsts du Beausset et du massif des Calanques drainés par les puissantes sources sous marines de Cassis (Port Miou et Bestouan)
- à l’est les karsts des chaînons calcaires de l’arrière - pays de la Côte d’Azur (Cheiron, Audibergue, Calern, Caussols, …) drainés par la Siagne, le Loup et l’Estéron, fournissent par leurs sources, d'importants débits d'eau captés pour l'alimentation de la zone côtière.
Les préalpes de Savoie et du Dauphiné
Les Préalpes de Savoie et du Dauphiné sont également constituées de massifs calcaires karstifiés. Elles comportent un certain nombre de régions naturelles, les Bornes et Aravis, les Bauges, la Chartreuse, le Vercors et le Dévoluy avec une karstification intense dans les niveaux calcaires urgoniens (et sénoniens pour le Dévoluy) en liaison avec les précipitations abondantes dont ces massifs bénéficient.
Les plateaux bourguignons
Les plateaux bourguignons correspondent en général à des karsts perchés, ils sont situés sur le seuil de Bourgogne entre le bassin parisien et le fossé saônois. Ils sont très souvent morcelés, et fournissent des débits très variables.